En Vue: Les USA contre la Chine – Bien plus qu’une (simple) guerre commerciale

Le différend entre les USA et la Chine a atteint un nouveau niveau d'escalade ces dernières semaines. Un accord rapide devient toujours plus improbable, car le conflit est plus qu'une (simple) guerre commerciale. La croissance économique souffrira des deux côtés cette année en raison de ce différend.

Le sujet brûlant – la «guerre commerciale» fait couler beaucoup d’encre

L'escarmouche début 2018, sous la forme de tarifs douaniers apparemment inoffensifs sur les machines à laver et les panneaux solaires, a entretemps dégénéré. En effet, les USA ont introduit des tarifs douaniers (punitifs) supplémentaires sur les importations d'acier et d'aluminium du monde entier; or, le président US Donald Trump – qui s'est auto-proclamé «tariff man» – a mis en place une véritable spirale douanière dès l'été dernier, prenant pour cible exclusive leur plus grand rival économique – la Chine.

 Google-Trend («trade war»)*

*Intérêt de recherche relatif, 100 = activité de recherche la plus importante Sources: Google, CIO Office Raiffeisen Suisse

Début mai, Donald Trump a (de nouveau) perdu patience après onze sessions de négociations, augmentant les tarifs douaniers sur les importations chinoises d'une valeur de 200 milliards de dollars, de 10 à 25 %, en guise de mesure de rétorsion contre le rétropédalage chinois sur des engagements qu'ils avaient pris auparavant. Les Chinois ont réagi aussitôt. Presque toutes les exportations US vers la Chine (soit d'une valeur d'environ 160 milliards de dollars) sont taxées de 17 % en moyenne depuis ce mois-ci. Les différends (commerciaux) entre les deux superpuissances ont ainsi atteint un nouveau niveau d'escalade. Il n’est pas étonnant que la «guerre commerciale» («trade war») soit le thème brûlant en ce moment.

Un succès en apparence seulement – les tarifs douaniers remplissent les caisses de l'Etat

Une telle guerre ne connaît aucun gagnant, mais plutôt des perdants des deux côtés – rien de nouveau en soi. Ce fait est d'autant plus vrai que les chaînes de production sont étroitement liées et réparties partout dans ce monde (économique) actuel, et fortement globalisé. A première vue, il semblerait que Trump réussisse à souligner le succès de sa «stratégie commerciale» envers ses électeurs.

Recettes de l'Etat américain dues aux tarifs douaniers (corrigées de l’inflation)

Sources: US Bureau of Economic Analysis, CIO Office Raiffeisen Suisse

En effet, les USA encaissent d'énormes sommes d’argent grâce à la hausse des tarifs douaniers: au premier trimestre, les droits de douane s'élevaient à environ 75 milliards de dollars, soit le double par rapport à il y a deux ans – et représentent entretemps 3,6 % de toutes les recettes de l'Etat. Or, en y regardant de plus près, les apparences sont trompeuses. Selon diverses études, publiées récemment, ce sont davantage les consommateurs et les entreprises aux USA qui paient la facture pour les tarifs douaniers, les exportateurs chinois n'ayant guère baissé leurs prix en retour. 

Et qui plus est – certains produits, qui ne sont point affectés par les tarifs, ont vu leurs prix augmenter. La machine à laver est, à nouveau, le parfait exemple: ce n’est pas simplement son prix qui a augmenté de 12 % en moyenne; mais le sèche-linge correspondant le plus vendu est, lui aussi, devenu plus cher.

 

La grève des acheteurs chinois… fait chuter le prix du soja

Cette guerre commerciale laisse également des traces notables sur les prix des produits agricoles: le prix pour le soja a récemment chuté à son plus bas depuis dix ans, sachant que la Chine a presque totalement disparu du marché. La croissance économique US devrait baisser de 0,2 % de points cette année, même en l'absence d'une escalade avec la Chine, l'économie chinoise devrait elle aussi subir une baisse du même ordre de grandeur. Cette baisse est due aux diverses nouvelles mesures de relance, prises par le gouvernement, aux dépens des mesures de réforme prévues.

L'Empire du milieu dépend bien plus du commerce extérieur que les USA, ce qui la rend davantage vulnérable. Et le conflit commercial laisse aussi des traces dans le reste du monde. Les directions des entreprises affichent un moral en berne, et ne sont donc pas disposés à faire de nouveaux investissements. Tous les acteurs économiques sont de plus en plus inquiets entretemps, et les traders sur les marchés financiers affichent une aversion élevée au risque.

Tout éventuel accord entre les deux superpuissances économiques aura un fort impact sur l'évolution des marchés ces prochaines semaines. A nos yeux, nous excluons presque entièrement la possibilité que les deux partenaires s'accordent sur un compromis satisfaisant, qui élimine tous les obstacles précédents – du transfert forcé de savoir, en passant par le subventionnement des entreprises chinoises (étatiques) jusqu'aux mécanismes de sanctions en cas de violation des accords conclus.

Prix du contrat à terme du soja en USD

Sources: Bloomberg, CIO Office Raiffeisen Suisse

La Chine rattrape son retard – La suprématie des USA en difficulté

En effet, Donald Trump juge que l'économie US est suffisamment forte pour gagner «sa guerre». Quiconque espérait qu'il aurait rapidement accepté que les Chinois achètent plus de soja et de Boeings aura été déçu. Même les Démocrates haussent le ton et font pression sur Trump pour qu'il continue à se montrer ferme envers la Chine.

Le consensus semble s'être inversé également en Chine ces dernières semaines. Le gouvernement prône la force, et souhaite à tout prix éviter de perdre la face. Il est de plus en plus évident que nous assistons à bien plus qu'une (simple) guerre commerciale et qu'il serait illusoire de tabler sur une solution dans un avenir proche.

La Chine a fortement rattrapé son retard aux niveaux économique et militaire ces dernières décennies, et défie de plus en plus l'hégémonie géopolitique et économique des USA. L'Etat chinois s'est fixé l'objectif de devenir un leader mondial, dans l'intelligence artificielle, les télécommunications et la biotechnologie notamment, en quelques années seulement et essaie constamment d'étendre son influence dans le Pacifique. Les USA entendent mettre un terme à cette évolution. Ce sujet devrait fortement marquer la prochaine décennie, indépendamment des questions de politique commerciale.

Production économique de la Chine par rapport aux USA

Sources: Bloomberg, FMI, CIO Office Raiffeisen Suisse

Le CIO explique: qu'est-ce que cela signifie pour la Suisse?

 

Après un premier trimestre pour ainsi dire sans aucune nouvelle émission d'actions en Europe occidentale, les choses ont de nouveau quelque peu bougé dernièrement. Ainsi, avec Medacta et Stadler, deux entreprises se sont également essayées à la bourse en Suisse. Contrairement aux «licornes» des USA, ces nouvelles entrées en bourse réalisent des bénéfices depuis longtemps et leur valorisation est certes ambitieuse, mais pas totalement exagérée. En raison de leurs modèles d'affaires «plus monotones», les actions de ces titres ne devraient certes pas monter jusqu'au ciel. Pour cela, les investisseurs nécessitent toutefois moins d’imagination et ne doivent pas craindre un potentiel de déception aussi élevé.

Matthias Geissbühler, CIO Raiffeisen Suisse