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13.11.2025

L’Etat, discret gagnant du boom immobilier

  • Même après la suppression de la valeur locative, l’Etat continue de bénéficier largement de la manne des propriétaires fonciers
  • La hausse des prix de l’immobilier fait grimper de manière significative les recettes de l’Etat issues de l’impôt sur les gains immobiliers et des droits de mutation
  • La maison individuelle, un «modèle en voie de disparition», reste très populaire
  • L’important afflux de capitaux sur le marché de la location se traduit par une hausse des prix plutôt que par la création de nouveaux logements

Saint-Gall, le 13 novembre 2025. Suite à la suppression de la valeur locative, l’Etat risque de subir d’importantes pertes fiscales dans le contexte actuel de taux bas, mais indépendamment de cette réforme fiscale, les pouvoirs publics perçoivent des recettes considérables auprès des propriétaires fonciers en Suisse. En effet, grâce à l’impôt sur les gains immobiliers et aux divers droits de mutation, les cantons et les communes bénéficient directement de l’augmentation de la fortune des propriétaires. «Les prix élevés de l’immobilier, qui ont fortement augmenté ces dernières années, ont fait grimper les recettes de l’Etat provenant des taxes sur les transactions immobilières. Avec le niveau des prix actuels, il n’est plus rare de voir des recettes fiscales de plus de 100’000 francs lors d’une transaction immobilière», constate Fredy Hasenmaile, chef économiste de Raiffeisen Suisse. Par conséquent, les recettes générées par les changements de propriétaires ont, elles aussi, gagné en importance pour les communes et les cantons. En moyenne suisse, les recettes provenant de l’impôt sur les gains en capital par habitant, par exemple, ont augmenté de près de 80% entre 2012 et 2022, la majeure partie provenant de l’impôt sur les gains immobiliers. La part de ces recettes par rapport au revenu fiscal total est également en constante augmentation et représente déjà entre 4 et 8% dans deux tiers des cantons, et même plus dans trois cantons. «Compte tenu de la dynamique des prix qui reste forte, ces impôts gagneront encore en importance pour les finances publiques dans les années à venir», explique Fredy Hasenmaile.

 

Grandes disparités cantonales

Bien que dans la plupart des cantons, les recettes fiscales provenant des transactions immobilières soient devenues un élément indispensable des finances publiques, l’imposition des ventes immobilières varie fortement d’un canton à l’autre. Certains cantons ne prélèvent pas de droits de mutation, par exemple. Il existe également de grandes différences dans le calcul de l’impôt sur les gains immobiliers dû. Pour une maison individuelle classique, possédée durant 30 ans et un gain immobilier de 660’000 francs, le taux d’imposition cantonal moyen sur ce gain est de 12,6% (83’000 francs). Dans cet exemple, la fourchette va de seulement 2% (13’000 francs) dans le canton de Genève à 26% (170’000 francs) dans le canton de Saint-Gall. «Bien que l’imposition des gains immobiliers soit soumise aux mêmes principes dans toute la Suisse, les cantons exploitent manifestement la grande marge de manœuvre dont ils disposent dans la mise en place concrète. Les méthodes appliquées pour le calcul des gains réalisés sont très diverses, tout comme les taux d’imposition et les abattements prescrits pour la durée de détention, ce qui conduit à un traitement fiscal très hétérogène entre les vendeurs de biens immobiliers en fonction de la localisation du bien vendu», constate Fredy Hasenmaile.

 

La maison individuelle: un modèle en voie de disparition encore populaire

La suppression de la valeur locative rendra le fait d’être propriétaire de son logement encore plus attractif. Mais indépendamment de la réforme fiscale adoptée, les avantages liés à l’achat d’un logement sont importants. En effet, selon le financement choisi, les futurs propriétaires peuvent actuellement économiser jusqu’à un tiers de leurs frais de logement par rapport à la location. «Pour la majorité des foyers suisses, les obstacles liés aux capitaux propres et à la capacité financière restent grands, même après la réforme fiscale. Cela empêche de nombreuses personnes intéressées de concrétiser leur intention d’achat. C’est pourquoi il ne faut pas s’attendre à une forte hausse de la demande ni à des effets importants sur les prix suite à la suppression de la valeur locative», explique Fredy Hasenmaile. Malgré tout, la dynamique des prix pour les logements en propriété reste forte, surtout pour la maison individuelle, considéré comme un modèle en voie de disparition. Les règlements de construction, révisés dans de nombreuses communes ces dernières années, prévoient pour la plupart des coefficients d’exploitation nettement plus élevés et autorisent la construction d’immeubles locatifs là où autrefois seules des maisons individuelles pouvaient être construites. En conséquence, de moins en moins de nouvelles maisons individuelles sont construites, notamment pour des raisons de rendement. La grande pénurie et la forte demande, qui s’accentue à cause de la concurrence avec les immeubles locatifs, font que les prix des maisons individuelles continuent d’augmenter fortement.

 

Malgré un contexte de marché favorable, les incitations manquent en matière de construction

L’attrait des placements immobiliers, relativement élevé dans un contexte de taux bas, attire à nouveau nettement plus de capitaux sur le marché immobilier. Les flux de capitaux sont déjà plus importants qu’à l’époque de la «pénurie de placements» qui a marqué les dernières années de taux négatifs. «Force est de constater que l’important afflux de capitaux n’incite malheureusement pas à développer l’activité de construction de logements dont nous avons tant besoin. Au lieu de cela, compte tenu des conditions-cadres en matière d’aménagement du territoire, les investissements disparaissent presque entièrement dans les hausses de prix des biens immobiliers déjà existants», constate Fredy Hasenmaile. Le recul de nouveau significatif du nombre de logements, constaté dans les nouvelles demandes de permis de construire, douche également l’espoir apparu récemment d’une détente de la situation concernant les locaux vacants, en baisse depuis des années, et des loyers proposés, en forte hausse. «Seule la baisse de l’immigration due à la conjoncture empêche actuellement une aggravation encore plus forte de la pénurie recensée en matière de logements. La dynamique de pénurie, qui s’affaiblit un peu à l’heure actuelle, masque les problèmes structurels persistants et risque de retarder leur résolution. Même si le niveau d’immigration fléchit, une offensive en matière de construction reste urgente pour atténuer durablement les effets de la pénurie et stopper les hausses de loyer généralisées», explique Fredy Hasenmaile.