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Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen

Edition 21.02.2024

Fredy Hasenmaile

Fredy Hasenmaile

Chef économiste de Raiffeisen

Des espoirs démesurés

Les attentes à l’égard du plan d’action sur la pénurie de logements que la Confédération a présenté la semaine dernière étaient fortes, trop fortes. Les déceptions étaient donc programmées. Trop d’erreurs concernant l’espace de vie disponible ont tout simplement été commises par le passé pour qu’elles puissent à présent être balayées d’un trait de plume.

On peut peut-être reprocher au conseiller fédéral Parmelin d’avoir suscité trop d’espoirs avec cette table ronde, qu’il n’est désormais pas en mesure de satisfaire. Il a tout de même résisté à la tentation de céder à un activisme erroné qui aggraverait encore la situation, parce qu’il entraînerait de nouvelles distorsions. La Confédération n’est en outre pas aux commandes. Les cantons et les communes sont souverains en ce qui concerne l’aménagement du territoire et la législation en matière de construction. Le rôle de la Confédération se limite donc à formuler des «recommandations», comme le montre l’utilisation fréquente de ce terme dans le plan d’action.

Globalement, la Confédération évoque les mesures appropriées. Elles se concentrent logiquement sur l’offre, car celle-ci est la principale responsable de la pénurie de logements. Il est toutefois très surprenant de voir que les mesures du côté de la demande sont totalement occultées. Au final, cette dernière contribue également au problème et il n’est pas très logique de l’ignorer complètement.

Quelques-unes des approches présentées permettraient de lutter très efficacement contre la pénurie de logements, pour autant que les gouvernements locaux soient disposés à appliquer les mesures recommandées par la Confédération. L’augmentation des coefficients d’utilisation ou la gestion plus flexible des zones de travail et d’habitation en font notamment partie. Les deux généreraient de nombreux logements sans classer des terrains à bâtir supplémentaires. La réduction du nombre d’oppositions et la mobilisation des terrains à bâtir sont parfaitement adéquates, sauf qu’il faudra attendre très longtemps pour que ces mesures créent des logements supplémentaires. L’accélération recommandée des procédures d’autorisat d’autorisation devrait porter ses fruits plus rapidement. L’élaboration d’un benchmark relatif à la durée des procédures de planification et d’octroi de permis de construire pourrait notamment engendrer une certaine pression en faveur d’une accélération dans les administrations. Il ne faudrait en revanche pas trop attendre du renforcement des ressources des services habilités à délivrer les permis et des services spécialisés. L’expansion de l’appareil bureaucratique devrait plutôt faire partie du problème que de la solution.

Le plan d’action a parfaitement raison quand il recommande de renforcer la mise en balance des intérêts, en ancrant l’intérêt pour un espace de vie disponible au niveau légal. Face au principe de protection inflationniste en Suisse (protection des monuments historiques, protection du paysage, protection contre le bruit, protection de l’environnement, etc.), l’objectif d’un espace de vie disponible suffisant a en effet trop souvent le dessous. Le Conseil fédéral s’attaque ainsi au problème inhérent à notre système de démocratie directe qui fait que nous votons souvent sur certains problèmes particuliers, par exemple la protection contre le bruit, sans que l’électeur ne puisse indiquer s’il ne privilégierait pas en cas de conflit la protection contre le bruit sur la création de suffisamment de logements. En cas de litige, les tribunaux ne peuvent donc pas s’appuyer sur une base légale claire et la construction de logements passe souvent à la trappe.

Le plan d’action mérite également d’être soutenu car il propose aussi d’examiner une simplification des normes de construction. Le swiss finish existe en effet aussi dans le domaine de la construction, avec pour résultat que le produit final ne tient pas suffisamment compte des besoins de certains ménages concernant des logements abordables. L’idée de base est de mettre à l’épreuve le grand nombre de normes et de réglementation afin de pouvoir construire des bâtiments plus simples et donc moins coûteux grâce à des solutions innovantes soumises à moins de normes.

Autant la retenue du plan d’action est appréciable et autant il renonce à des mesures néfastes pour l’offre de logement à long terme, telles que les mesures d’encouragement inefficaces, les plafonds de loyers et autres, autant il doit supporter le reproche de manquer un peu trop de courage. Il est beaucoup question d’«examiner» et de réaliser des études. De nombreuses mesures nécessitent en outre d’adapter la législation et devraient donc prendre des années, car elles sont également soumises à différentes possibilités d’oppositions. Compte tenu de l’accentuation de la pénurie, on peut se demander s’il y a effectivement autant de temps. Dans ce domaine, il aurait été indiqué d’élaborer directement une proposition de solution pour certaines mesures en faisant appel à des experts ou d’accélérer la production de logement grâce à des incitations, telles que les allègements fiscaux ou les bonus spéciaux sur l’indice d’utilisation du sol.

Fredy Hasenmaile

Fredy Hasenmaile

Chef économiste de Raiffeisen

Depuis 2023, Fredy Hasenmaile est chef économiste de Raiffeisen Suisse et responsable du service Economic Research de la Banque. Avec son équipe, il analyse les évolutions de l’économie et des marchés financiers en Suisse et dans le monde, et il est chargé de l’évaluation de l’actualité économique et des prévisions relatives aux chiffres économiques clés.