Stable, immobile

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Edition 18.11.2020 – Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen

Martin Neff –Chef économiste de Raiffeisen
Martin Neff – Chef économiste de Raiffeisen

L'heure est de nouveau au télétravail. Pour beaucoup d'entre nous sans doute. Et ce qui avait déjà commencé à nous énerver pendant le confinement au printemps, nous revient à présent en mémoire, alors que nous sommes chez nous. Il manque en effet quelque chose. Pas de balcon, pas de terrasse signifie malheureusement l'impossibilité de prendre un bon bol d'air frais. A la longue, une chambre de plus ne serait sans doute pas une mauvaise idée.

Car le télétravail restera important également à l'avenir. Et si les enfants devaient reprendre l'école à domicile, nous manquerons de nouveau de place. Confinés chez nous plus que nous l'aurions souhaité, nous aurons passé 2020 entre nos quatre murs. Et cela permet apparemment de prendre suffisamment de recul pour porter un regard critique sur notre propre logement. De nombreux ménages en Suisse y réfléchissent actuellement, plus qu'avant le coronavirus.

Or, il est pratiquement impossible dans la réalité de satisfaire ses nouveaux rêves en matière de logement. Alors que l'économie suisse est balayée par un véritable tsunami et ne se redresse que péniblement, le marché immobilier n'a quasiment pas subi de ralentissement. L'offre de logements est toujours extrêmement tendue, notamment dans les zones les plus recherchées. Et les gens sont moins attirés par les régions où les marchés sont un peu plus liquides. Nous sommes de toute façon de moins en moins nombreux à pouvoir rêver de notre propre logement, car si ce n'est pas la capacité financière qui pose problème, alors c'est au plus tard le niveau exorbitant des prix. Tandis que les vacances posent problème sur le marché du logement locatif dans certaines régions, elles n'impactent pratiquement pas celui des logements en propriété. Il faut vraiment avoir un point de vue négatif pour déceler une certaine tendance au ralentissement à la marge actuelle de l'évolution des prix, mais au final les prix progressent malgré tout, simplement l'augmentation est peut-être un peu moins forte qu'avant. Il semble entendu que les prix sont relativement protégés contre la baisse. L'offre accuse un fort recul ces derniers mois et la pénurie sur le segment du logement en propriété sera donc le principal moteur de l'évolution.

 

Evolution sur le marché du logement locatif

Il en va tout autrement sur le marché du logement locatif. Les vacances y avaient dernièrement connu une augmentation inquiétante et les niveaux de près de 3 % y sont nettement plus élevés que dans le secteur du logement en propriété, où ils s'établissent à 0,6 %. Mais là aussi, on constate une réaction de l'offre. Précisons qu'elle réagit à la baisse récente de la migration et non au coronavirus. La réserve de logement diminue à vue d'œil. Dernièrement, il y a de nouveau eu moins de demandes de permis de construire et la production n'augmente plus. La nouveauté réside dans le fait que les vacances affectent désormais aussi les immeubles existants. On ne peut pas encore parler de dynamique, mais les nouveaux logements font désormais jeu égal et évincent progressivement les plus anciens. Cela peut être lié au fait que les prix de la construction n'augmentent plus et que l'offre qui arrive sur le marché est plus attrayante que les immeubles existants. Alors qu'il était autrefois normal de prévoir plus de temps pour la commercialisation d'un nouveau logement que d'un logement existant, ce n'est plus le cas désormais. Les personnes tourmentées par le coronavirus qui sont à la recherche d'un logement peuvent y trouver leur compte, du moins hors des agglomérations. Dans ces dernières, le marché est encore extrêmement illiquide.

 

Le calme avant la tempête?

Ceux qui pensent que le coronavirus a fait des ravages au moins sur le marché des surfaces de commerce de détail se trompent. Rappelons cependant que le marché était déjà affecté avant le confinement et ses conséquences. Notamment dans le secteur nonfood, une politique de rabais impitoyable a été menée ces deux dernières décennies, entraînant l'affaiblissement des marges. La fluctuation dans le commerce stationnaire est généralement plus élevée et les grandes chaînes de magasins se reformatent sans cesse depuis 20 ans. Aucun acteur du marché ne s'est jamais plaint d'un manque de mouvement. Le coronavirus en a cependant contraints quelques-uns à l'abandon, entraînant une augmentation des surfaces de commerce de détail vacantes à plus de 6 %. Mais il y a aussi de nouvelles créations et elles sont mêmes plus nombreuses que l'an dernier, alors que le nombre de cas d'insolvabilité est en baisse. Dans le commerce de détail, il a reculé de 20 % au cours des neuf premiers mois de l'année, contre 21 % dans la restauration. En même temps, les nouvelles créations dans le commerce de détail ont progressé de 9 % et de 1 % dans la restauration. Les nouvelles entreprises auront à leur tour besoin de surfaces et ce circuit permet au marché de fonctionner, avec actuellement une légère augmentation de la volatilité. Voilà tout ce qu'il y a à dire à propos du coronavirus sur le marché immobilier suisse et on peut en conclure qu'il fait honneur à son nom, en restant immobile alors que tout vacille autour de lui, et donc stable.