Monsieur Bentzen, l’actualité mondiale pourrait inciter certaines personnes à conser-ver leur épargne en espèces. Qu’est-ce qui s’y oppose?
C’est une illusion de croire que l’argent liquide est sûr. En effet, plus il demeure inutilisé, plus il peut perdre en pouvoir d’achat du fait de l’inflation. Certains pourraient avancer qu’il est néanmoins rémunéré lorsqu’il est placé sur un compte épargne. C’était le cas dans le passé. Cependant, depuis longtemps déjà, le taux d’intérêt de nombreux comptes épargne n’est plus que modeste – quand il n’est pas déjà tombé à zéro! Contrer la dépréciation monétaire larvée devient alors plus difficile.
Comment remédier à ce problème?
En investissant par exemple sur les marchés financiers afin de participer à leur évolution. Une telle approche recèle certes un risque de perte, mais offre un potentiel de rendement plus intéressant que celui du compte épargne – à condition de ne pas investir dans un seul titre, mais de répartir les risques sur plusieurs valeurs. Construire un portefeuille comportant de nombreux titres différents issus de plusieurs catégories et sous-catégories de placement s’avère avantageux. Les inévitables fluctuations de cours des différents titres peuvent ainsi se compenser mutuellement. A long terme, cela peut contribuer à stabiliser le rendement.
Vous gérez le fonds de prévoyance Raiffeisen Futura – Pension Invest. Qu’est-ce qui le distingue?
Le fonds Raiffeisen Futura – Pension Invest accorde une grande importance à la répartition des risques décrite en intégrant un grand nombre de titres des catégories de placement des obligations et des actions. Il associe donc les caractéristiques défensives des premières et le potentiel de rendement supérieur des secondes. Afin de pouvoir être utilisé à des fins de prévoyance, il se conforme aux prescriptions de placement de l’OPP 2, ordonnance qui règle la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité en Suisse. Elle entend éviter la prise de risques excessifs pour les placements dont les produits doivent servir au paiement des rentes de vieillesse. C’est pourquoi les titres plus risqués comme les obligations à haut rendement ou des pays émergents sont exclus de l’univers de placement.
Le fonds peut-il néanmoins réaliser un bon rendement?
Le fonds Raiffeisen Futura – Pension Invest propose de nombreux profils risquerendement différents, qui sont en premier lieu déterminés par l’ampleur de l’engagement en actions. Les investisseurs et les investisseuses ont le choix entre les stratégies «Yield» (rendement), «Balanced» (équilibre), «Growth» (croissance) et «Equity» (actions). Les actions ont une pondération de 25%, 45%, 65% et 95% dans les stratégies «Yield» ,«Balanced», «Growth» et «Equity», respectivement. Il faut garder à l’esprit qu’une part d’actions plus importante dans le portefeuille offre certes un potentiel de rendement supérieur, mais recèle aussi davantage de risques. Cette catégorie de placement est en effet soumise aux fluctuations de cours les plus fortes – ce dont les investisseurs devraient tenir compte dans leur décision.
Qu’est-ce que les investisseurs devraient encore savoir?
Que les dites parts d’actions consistent en des valeurs moyennes à long terme. Je gère le fonds activement, c’est-à-dire en suivant l’évolution du marché. C’est de cette évolution que dépend l’allocation tactique des actifs, à savoir la pondération à court terme des catégories de placement, laquelle est arrêtée par les économistes et stratégistes du Chief Investment Office de Raiffeisen. Par conséquent, les pondérations actuelles s’écartent parfois des pourcentages susmentionnés. Elles sont à certains moments inférieures à la pondération stratégique, c’est-à-dire sous-pondérées, et à d’autres supérieures, c’est-à-dire surpondérées.
Quel est votre rôle dans ce cadre?
Je reproduis les pondérations tactiques dans les porte-feuilles et je complète les proportions correspondantes par catégorie de parts à l’aide de titres sélectionnés au sein de l’univers de placement durable Futura. Je suis également chargé de surveiller rigoureusement les quatre portefeuilles avec ma sélection de titres. Je procède à des ajustements si des changements des conditions de marché font peser davantage de risques sur le fonds, ou si des mouvements de cours offrent de nouvelles opportunités de placement que je juge intéressantes. Ici, je me conforme toujours aux prescriptions stratégiques décrites pour chaque portefeuille.
Sur quels éléments fondez-vous vos décisions de placement?
Etre toujours au fait de l’actualité économique et politique est primordial pour prendre des décisions de placement judicieuses. Je suis de très près l’évolution des marchés financiers ainsi que celle des différents débiteurs et entreprises dont j’ai déjà intégré les obligations ou les actions dans les portefeuilles ou dans lesquels j’envisage d’investir. Pour ce faire, j’exploite en permanence de nombreuses sources d’information, puis j’analyse en détail les données pertinentes à l’aide de systèmes sophistiqués. Je peux en outre accéder aux vastes recherches de mes collègues de l’équipe.
Selon quels critères sélectionnez-vous les titres individuels?
Je m’appuie pour commencer sur l’univers de placement Futura, qui est défini et régulièrement contrôlé par l’agence de notation indépendante Inrate, spécialisée dans ce domaine. Cet univers contient exclusivement des débiteurs et des entreprises remplissant de hautes exigences de durabilité en matière d’environnement, de société et de gouvernance d’Etat ou d’entreprise. J’analyse leur qualité financière sur la base de critères déterminants tels que le bilan, le modèle d’affaires, la conduite et la stratégie commerciale, la position sur le marché, le chiffre d’affaires, les bénéfices, l’affectation du capital et le potentiel de croissance. J’intègre enfin les candidats à l’investissement les plus convaincants dans ma sélection restreinte pour les portefeuilles du fonds Raiffeisen Futura – Pension Invest.
Que se passe-t-il si Inrate exclut de l’univers de placement durable un pays ou une entreprises auparavant admis·e parce qu’il ou elle ne remplit plus les critères?
Si des titres du débiteur ou de l’entreprise désormais exclu·e figurent dans les portefeuilles du fonds Raiffeisen Futura – Pension Invest, je suis tenu de les vendre dans un délai de six mois. Par conséquent, je veille systématiquement à ce que le fonds ne soit engagé que dans des titres suffisamment liquides, négociables pratiquement à tout moment. Je liquide la position concernée de façon à impacter le moins possible le marché. Cela signifie que je ne vends pas tous les titres en une seule fois, mais progressivement, pour ne pas peser sur le cours de l’obligation ou de l’action.
Quels sont vos pronostics concernant l’évolution des marchés financiers?
Avec la publication des résultats pour le premier semestre 2025, de nombreuses entreprises ont confirmé leur solide tenue. En moyenne, les nouveaux droits de douane américains ne se sont que peu répercutés sur leurs chiffres à ce jour, hormis dans les secteurs particulièrement concernés comme l’industrie automobile européenne. Plus positives qu’au printemps, les prévisions pour l’exercice 2025 des entreprises américaines reflètent leur confiance. Une possible baisse du taux directeur de la Fed en septembre viendrait encore s’inscrire en soutien des cours des actions. Mais le mois de septembre est couramment le théâtre de fluctuations plus marquées des cours, parce que beaucoup d’entreprises interrompent leurs programmes de rachat d’actions avant la publication de leurs résultats du troisième trimestre, d’où une liquidité réduite sur le marché. Par ailleurs, de nombreux investisseurs en actions négligent actuellement le ralentissement du marché du travail américain et les risques géopolitiques. Dans ce contexte, une consolidation, voire une correction des marchés des actions me semble possible. Une telle évolution pourrait offrir des opportunités avantageuses pour étoffer de robustes actions de qualité dans le fonds Raiffeisen Futura – Pension Invest. Dès que la Fed initiera son cycle de baisse des taux directeurs, il est probable que les cours des obligations, et surtout des titres américains, bénéficient aussi d’un soutien.
Comment avez-vous alors positionné le fonds Raiffeisen Futura – Pension Invest?
Je maintiens comme jusqu’à présent une large diversification obtenue à travers des titres de secteurs défensifs et cycliques ainsi que des valeurs de croissance. En grande majorité issues du secteur technologique, ces dernières devraient tirer leur épingle du jeu sur fond de tendances durables à l’électrification et à la digitalisation, et d’essor de l’intelligence artificielle. Durant l’été, j’ai tiré profit de la faiblesse de l’action ABB afin d’en étoffer la position en portefeuille. Les chiffres commerciaux de l’entreprise industrielle suisse pour le deuxième trimestre attestent de la poursuite de la croissance des investissements dans les domaines de l’électrification et des centres de données. Les perspectives présentées par la société se sont par conséquent révélées positives. J’ai récemment renforcé l’engagement dans le secteur technologique en initiant une position en actions sur le fabricant de semi-conducteurs et développeur de logiciels californien Broadcom. Je saisirai les opportunités de placement que j’estime intéressantes et qui se présentent à la suite de plus fortes corrections des cours.
Toutes les stratégies ont-elles le même positionnement?
Comme je l’ai indiqué, les quatre stratégies se différencient par leur pondération par catégorie de placement. Plus la pondération respective est importante, plus je peux envisager de titres que j’ai sélectionnés dans l’univers de placement. Néanmoins, afin de tenir compte de la pondération correspondante, je peux aussi modifier la taille d’une position. Le plus important est de conserver une large diversification: à travers des entreprises de qualité de tailles, secteurs et pays différents sur le front des actions, et des débiteurs de qualité de divers pays, catégories de notation et échéances pour ce qui est des obligations.
Quelle stratégie du fonds Raiffeisen Futura – Pension Invest recommander à quels types d’investisseurs?
La réponse est très individuelle. Dans tous les cas, l’objectif de rendement et la tolérance au risque de l’investisseur ainsi que la capacité de risque découlant de sa situation financière et de son horizon de placement sont déterminants. Les personnes émotives, que les fluctuations haussières et baissières souvent marquées des actions rendent vite nerveuses, ont tout intérêt à opter pour une stratégie misant moins sur les actions. L’évolution typique des cours des actions tend certes à revenir à la moyenne après des variations, mais cela peut prendre des années et exige un certain flegme. Toute personne se sentant capable de faire preuve d’une telle persévérance peut envisager une stratégie avec une part d’actions plus éle-vée. Les investisseurs réticents à prendre des décisions seuls s’adressent tout simplement à l’équipe des conseillères et conseillers de Raiffeisen pour un entretien toujours utile. Cela permet aussi de discuter en détail du plan d’épargne en fonds de prévoyance, lequel fonctionne comme un ordre permanent.
Quels sont les arguments incitant à ne pas investir au dernier moment dans la prévoyance?
L’effet des intérêts composés bien connu du compte épargne en serait un. Le même mécanisme entre en jeu s’agissant des placements et joue un rôle majeur – précisément dans la perspective de la retraite, lorsque le revenu régulier diminue. Disposer d’une réserve financière permet ensuite de dormir sur ses deux oreilles. Réinvestir immédiatement le produit de ses placements fait s’accroître le capital sur la base duquel des rendements peuvent être réalisés, ce que nous nommons «effet des rendements composés». Plus celui-ci peut s’exercer longtemps, plus les placements peuvent rapporter. C’est pourquoi repousser la prévoyance vieillesse aux calendes grecques n’est pas une bonne idée. Utiliser le fonds Raiffeisen Futura – Pension Invest dans le pilier 3a (prévoyance liée) offre en outre des avantages fiscaux, car la somme versée est déductible du revenu imposable. Réinvestir l’argent ainsi épargné amplifie l’«effet des rendements composés» en faveur de la réserve de prévoyance visée.