L’industrie pharmaceutique suisse et les Etats-Unis: un gros risque ou une belle opportunité?

Près de 40% de la croissance provient de la pharmacie et de la chimie

Les Etats-Unis, marché clé et talon d’Achille

Les Etats-Unis constituent le marché le plus important pour l’industrie pharmaceutique suisse. Roche y réalise près de la moitié de son chiffre d’affaires, Novartis 41%. La Suisse profite largement de l’accès au marché américain – mais en dépend fortement en même temps. Cette étroite interdépendance économique rend l’industrie pharmaceutique suisse particulièrement vulnérable aux décisions politiques des Etats-Unis. Ce qui s’y passe a des répercussions directes sur les chiffres d’affaires, les marges et les investissements des entreprises suisses.

Les Etats-Unis sont le principal marché d’exportation

Pression politique sur le marché américain

Le gouvernement américain poursuit deux objectifs de politique économique: les médicaments doivent être moins chers et la production doit être rapatriée aux Etats-Unis. Ces deux projets sont économiquement contradictoires, dans la mesure où les droits de douane augmentent les prix alors que la réglementation des prix vise à les réduire. Pour les entreprises pharmaceutiques suisses, il en résulte un champ de tensions complexe avec une forte pression pour s’adapter.

Les droits de douane peuvent être contournés en partie par des mesures telles que le réacheminement ou le conditionnement final, et ne constituent pas un instrument approprié pour délocaliser la production.  La construction de nouvelles installations de production aux Etats-Unis est une opération longue, coûteuse et exigeante en termes de licences. A court terme, les tarifs douaniers entraînent une hausse sensible des prix pour les consommatrices et les consommateurs, ce qui est politiquement très impopulaire.

Le plus gros risque est la réglementation des prix

L’introduction du principe de la «Nation la plus favorisée» serait particulièrement décisive. Cela lierait les prix des médicaments aux Etats-Unis au niveau des prix internationaux. Les marges des entreprises pharmaceutiques en seraient considérablement réduites, et une pression mondiale sur les prix s’installerait. En effet, si les prix doivent baisser aux Etats-Unis, la pression augmente sur les autres marchés pour imposer des prix plus élevés. La baisse des revenus associée à l’augmentation des exigences en matière d’investissement compromet la capacité d’innovation et affaiblit sensiblement la recherche et le développement.

Tendance à la régionalisation

Les menaces douanières accélèrent un processus qui est de toute façon déjà en cours. La pandémie de coronavirus a révélé la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales. De nombreuses entreprises pharmaceutiques réagissent en régionalisant davantage leur production, y compris aux Etats-Unis. Toutefois, une délocalisation totale n’est ni réaliste ni économiquement rationnelle. Il s’agit plutôt de répartir les risques et de garantir la sécurité de l’approvisionnement.

Perspective à long terme: positive mais exigeante

A long terme, les perspectives du secteur restent positives, portées par l’innovation, l’évolution démographique et la demande mondiale. Dans le même temps, la place économique suisse est sous pression, ce qui oblige les politiques à garantir durablement la compétitivité du secteur pharmaceutique grâce à l’extension ciblée de la place scientifique et à l’amélioration constante des conditions cadres.