En décidant de laisser son taux directeur inchangé le 21 septembre, la Banque nationale suisse met un terme au cycle de relèvements. Notre chef économiste Fredy Hasenmaile explique quels effets cette «pause» dans les hausses des taux d’intérêt peut avoir pour vous et répond à d’autres questions qu’elle soulève.
Fredy Hasenmaile, chef économiste de Raiffeisen
Comment le statu quo des taux d’intérêt affecte l’économie
Contrairement à ce qui était attendu, la BNS n’a pas augmenté son taux directeur. Pourquoi?
La raison la plus importante réside probablement dans le ralentissement considérable de l’inflation. Celle-ci est revenue à 1,6%, dans la fourchette visée par la BNS, et tous les indicateurs avancés signalent un nouveau ralentissement de la tendance des prix sous-jacente. En outre, la récente vigueur du franc réduit l’inflation importée – le principal facteur d’enchérissement. La deuxième raison est la forte dégradation des perspectives économiques, notamment pour l’industrie. L’industrie suisse est en récession et la morosité de la conjoncture à l’extérieur menace également d’affecter le secteur tertiaire. En d’autres termes, compte tenu de l’évolution rassurante de l’inflation, la BNS se reconcentre sur l’économie dans son ensemble; en laissant inchangé son taux directeur, elle espère gagner du temps afin de pouvoir mieux évaluer les conséquences des précédentes hausses des taux d’intérêt sur l’économie réelle, avant de prendre de nouvelles mesures éventuelles.
Alors, l’inflation est-elle maîtrisée?
Il est encore trop tôt pour crier à une victoire définitive sur l’inflation, d’autant plus que nous nous attendons à ce que la hausse des prix à la consommation repasse au-dessus de 2% en novembre. Elle devrait toutefois revenir dans la fourchette cible de la BNS dès début 2024, et y demeurer un certain temps. Selon les sondages, la hausse des salaires attendue résultant des négociations automnales devrait être plutôt modérée, et ne dopera donc pas l’inflation.
Peut-on tabler sur une baisse prochaine des taux d’intérêt?
Non. Dans toute l’Europe, c’est la Suisse qui affiche la plus forte proportion de prix administrés, c’est-à-dire dictés ou réglementés par le gouvernement ou des agences parapubliques. Cela atténue l’enchérissement; certes, les prix augmentent mais avec du retard, et en général moins fortement. L’augmentation des prix en Suisse devrait donc rester dans le haut de la fourchette définie par la BNS pendant encore un certain temps. Celle-ci n’a donc pas besoin d’abaisser prochainement les taux d’intérêt et les maintiendra probablement au niveau actuel, afin de ne pas permettre à l’inflation de se rallumer.
Dans quelle mesure les dernières hausses des taux de la BNS ont-elles bridé l’économie suisse?
Le refroidissement actuel de l’économie nationale est principalement dû à l’effondrement du commerce mondial qui a assombri le climat des affaires, notamment dans l’industrie suisse. Bien entendu, les coûts de financement plus élevés des entreprises pèsent également sur leurs investissements. Toutefois, étant donné que nos taux d’intérêt restent modérés en comparaison internationale, cet effet ne doit pas être surestimé. Un autre effet négatif provient des preneurs d’hypothèques, mais aussi de plus en plus des locataires, qui ont désormais moins de ressources pour leurs dépenses de consommation.
Situation actuelle sur le marché hypothécaire
Qu’est-ce qui changera sur le marché hypothécaire?
L’inaction décidée par la BNS ne change rien à la situation des client·e·s titulaires d’une hypothèque à taux variable ou qui souhaitent contracter une nouvelle hypothèque à taux fixe. La pause de la BNS laisse toutes les options ouvertes. Des hausses ultérieures des taux d’intérêt ne peuvent être exclues, mais sont plutôt peu probables; il se pourrait donc bien que le pic des taux d’intérêt soit atteint en Suisse.
Quel impact cette décision a-t-elle sur les prix des propriétés du logement?
Les précédentes hausses ont déjà considérablement réduit la demande de logements en propriété. La tendance haussière des prix de l’immobilier va donc continuer à s’affaiblir, avec ou sans pause; on peut donc même imaginer de légères baisses des prix des propriétés du logement l’an prochain. Toutefois, une forte correction est très peu probable étant donné le manque de logements disponibles.
Que doivent faire les client·e·s, si le taux fixé pour leur emprunt arrive prochainement à échéance?
Rien ne permet plus d’échapper à la hausse des intérêts. Les conditions des hypothèques à taux fixe de longue durée ont déjà évolué en raison des prévisions concernant les taux d’intérêt, qui avaient déjà augmenté. Et la rémunération des hypothèques SARON les a rattrapées suite aux hausses effectives des taux de la BNS. Une fixation des taux d’intérêt à long terme serait actuellement judicieux si l’on s’attend à une inflation très tenace et à de nouvelles mesures drastiques de la part des banques centrales. En revanche, des durées plus courtes sont préférables si l’on table sur un ralentissement durable de l’inflation; on pourrait alors bénéficier d’un renversement du cycle des taux d’intérêt à moyen terme. Pour la Suisse, ce dernier scénario nous paraît le plus vraisemblable.
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Situation actuelle pour les entrepreneurs
Les clients entreprises détenant des crédits sur marché monétaire peuvent-ils déjà pousser un soupir de soulagement?
La pause de la BNS ne signifie pas que l’inflation est vaincue, mais elle laisse à penser que les taux d’intérêt ont atteint leur pic. Les preneurs d’hypothèque et les entreprises ne devraient donc pas craindre une nouvelle dégradation des conditions, que ce soit sur le marché des capitaux ou en matière de crédits bancaires. Etant donné que les charges d’intérêts sont encore plutôt modestes en comparaison historique, elles ne devraient pas avoir compromis les modèles d’affaires efficaces jusqu’ici. Dans le cas contraire, il s’imposerait d’ajuster le modèle d’affaires.
Quelle évolution les immeubles de rapport suivent-ils?
L’attractivité des investissements immobiliers a considérablement diminué avec la forte augmentation des coûts de financement, ajoutée à la pression sur les valorisations. Il y a désormais des alternatives à l’investissement dans des immeubles de rapport, et les investisseurs institutionnels en particulier se pressent moins pour les acheter. La demande des investisseurs fortement endettés devrait elle aussi continuer de faiblir. C’est pourquoi on constate actuellement des corrections de prix sur le marché des immeubles de rapport. Celles-ci sont toutefois modestes, d’autant plus qu’aucune nouvelle hausse des taux directeurs n’est attendue et que la pénurie de logements soutient les futurs revenus locatifs.
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Situation actuelle pour les entreprises
A quelles retombées la clientèle entreprises doit-elle s’attendre concernant les crédits sur marché monétaire?
Tout comme les ménages ayant une hypothèque, les entreprises doivent également supporter des coûts de financement en hausse, tant sur le marché des capitaux que pour les crédits bancaires. Si l’on compare sur le long terme, les charges d’intérêts restent toutefois modérées et ne devraient en réalité ébranler aucun modèle d’affaires bien rodé. Par contre, les entreprises qui ont à peine réussi à joindre les deux bouts durant la longue période d’intérêts négatifs et la pandémie vont avoir beaucoup plus de difficultés.
Quel est l’impact de l’augmentation du taux directeur sur l’évolution des immeubles de rendement?
En plus de la hausse fulgurante des prix de l’immobilier enregistrée durant la phase de taux bas, les coûts de financement montent en flèche en raison des relèvements de taux. L’époque où il n’existait aucune alternative aux investissements dans les immeubles de rendement est donc révolue. Par conséquent, la demande des investisseurs, et surtout de ceux dont le niveau de financement externe est élevé, devrait continuer de fléchir. Par rapport aux logements à usage propre, rares et toujours autant recherchés, les immeubles de rendement risquent dès lors davantage de subir certaines corrections de prix.
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Comment la rémunération de l’épargne évoluera-t-elle après cette décision?
Raiffeisen Suisse a décidé d'augmenter ses recommandations de taux d'intérêt aux Banques Raiffeisen pour certains comptes épargne à partir du 1er novembre 2023. Les taux d’intérêt appliqués aux comptes épargne suivent toujours avec un certain décalage l’évolution du taux directeur de la BNS, aussi bien en cas de hausse qu’en cas de baisse.