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Le secteur pharmaceutique – Un secteur sous pression

Le secteur pharmaceutique est dans le viseur de Donald Trump. Une clause de la nation la plus favorisée pourrait mettre le secteur sous pression à court terme. Mais les tendances démographiques restent favorables à ces valeurs.

02.06.2025

Médicaments

Les produits pharmaceutiques sont au coeur des exportations suisses

Les traitements pour la perte de poids comme Zepbound, Ozempic et Wegovy connaissent actuellement un boom et génèrent des milliards de bénéfices pour leurs fabricants Eli Lilly et Novo Nordisk. En Suisse, une dose mensuelle d’Ozempic, qui contient quatre seringues, coûte environ 90 francs. Pourtant, la Suisse n’est pas un îlot de cherté. Cette distinction douteuse revient aux Etats-Unis; en effet, le prix catalogue pour un produit identique y est de 997 dollars américains. Ces énormes différences de prix existent depuis des années et concernent presque tous les produits pharmaceutiques. Il n’est donc pas étonnant que le prix élevé des médicaments aux Etats-Unis soit toujours un obstacle. Dans ce contexte, la dernière initiative de Donald Trump n’est pas non plus étonnante. Par décret, le président américain veut obliger les sociétés pharmaceutiques à baisser massivement leurs prix aux Etats-Unis. Concrètement, il envisage d’introduire une clause dite de la nation la plus favorisée.

Cela signifie qu’à l’avenir, le prix d’un médicament aux Etats-Unis ne pourra pas être plus élevé que le prix le plus bas d’un pays industrialisé.  Si, dans l’exemple d’Ozempic, il s’agissait de la Suisse, Novo Nordisk devrait donc baisser le prix aux Etats-Unis de 997 à environ 110 dollars américains sur la base des taux de change actuels. Il n’est donc pas étonnant que les groupes pharmaceutiques aient tiré la sonnette d’alarme. En effet, le marché pharmaceutique américain n’est pas seulement le plus important, il est aussi le plus rentable.

Mais il est probable que des résistances se lèvent. En effet, une adaptation aussi radicale nécessite une modification de la loi et donc l’approbation du Congrès. Et là, le puissant lobby pharmaceutique devrait avoir son mot à dire. La chaîne de raisonnement est claire: si les prix des médicaments baissent fortement, les bénéfices des groupes pharmaceutiques diminuent et il reste moins d’argent pour la recherche. Pour certaines indications médicales, il ne serait tout simplement plus possible de développer de nouveaux médicaments. Peu de députés voudront en assumer la responsabilité. Roche, par exemple, a déjà annoncé qu’en cas d’introduction de la clause de la nation la plus favorisée, les plans d’investissement annoncés aux Etats-Unis seraient revus à la baisse.

Mais il est clair que les groupes pharmaceutiques sont dans le collimateur de Donald Trump et de son ministre de la Santé Robert F. Kennedy. Il faut également s’attendre à tout moment à un décret correspondant pour les droits de douane sectoriels sur les importations de produits pharmaceutiques, dont la perspective a déjà été évoquée à plusieurs reprises. Cette situation confuse est explosive tant pour la Suisse que pour le marché des actions suisse. En effet, le secteur pharmaceutique n’est pas seulement l’un des principaux piliers de l’économie suisse et un employeur important, il est également bien représenté dans les indices suisses avec Novartis et Roche. Sur les 377,8 milliards de francs d’exportations totales de la Suisse en 2023, 135,5 milliards, soit 35,9%, sont imputables aux produits chimiques et pharmaceutiques.

 

Part des différentes catégories de produits dans le total des exportations en 2023

Part des différentes catégories de produits dans le total des exportations en 2023

OFS, OFDF, CIO Office Raiffeisen Suisse

Novartis et Roche sont des poids lourds de la bourse

Le poids cumulé des multinationales pharmaceutiques Roche et Novartis dans l’indice Swiss Market Index (SMI) est supérieur à 28%. Cela signifie que ces deux titres figurent pratiquement dans tous les portefeuilles des investisseuses et investisseurs suisses. S’y ajoutent des valeurs comme Sandoz, Lonza, Bachem ou Siegfried, qui sont actives dans la fabrication de génériques ou de produits pharmaceutiques. Lorsque ces actions sont sous pression, cela se ressent sur l’ensemble du marché. L’annonce de Donald Trump a donc entraîné une correction du SMI.

 

Pondérations de l’indice et répartition sectorielle dans le SMI

Pondérations de l’indice et répartition sectorielle dans le SMI

Bloomberg, CIO Office Raiffeisen Suisse

Même si les vents politiques contraires devraient persister, les perspectives à plus long terme du secteur de la santé restent intactes. Les changements démographiques et le vieillissement de la population vont maintenir la demande de médicaments à un niveau élevé. De plus, les actions pharmaceutiques sont actuellement évaluées à un cours avantageux et beaucoup d’éléments négatifs ont déjà été pris en compte. Sur la base des prévisions de bénéfices pour cette année, les actions de Novartis et de Roche se négocient à un rapport cours / bénéfice (PER) de 13 chacune, ce qui est nettement inférieur à leur moyenne à long terme et aussi clairement inférieur à la valorisation de l’ensemble du marché (PER SMI: 17,9). A cela s’ajoutent des rendements sur dividendes attractifs de près de 4%.

L’imprévisibilité de Donald Trump continuera de créer de la volatilité sur les marchés financiers. Le secteur pharmaceutique – et donc le marché des actions suisse – n’est pas à l’abri de cette situation. Il convient néanmoins de garder son calme, notamment face à la menace de droits de douane sur les produits pharmaceutiques et à l’éventuelle introduction d’une clause de la nation la plus favorisée. André Kostolany l’a un jour résumé de la manière suivante: «Achetez des actions, prenez des somnifères et cessez de consulter les cours boursiers. Dans dix ans, vous verrez que vous êtes riche!» Et en ce qui concerne les somnifères, les groupes pharmaceutiques suisses ont bien sûr aussi quelque chose à proposer. 

Le CIO explique: Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseuses et investisseurs?

Trump, Trump et encore Trump. Le flot de décrets promulgués par le président américain n’en finit pas. Actuellement, c’est le secteur pharmaceutique qui est dans le viseur. L’introduction prévue d’une clause de la nation la plus favorisée devrait permettre de faire baisser fortement le prix des médicaments aux Etats-Unis. Les poids lourds de l’indice suisse, Roche et Novartis, seraient également concernés. Malgré cela, les actions ont évolué cette année en phase avec le marché au sens large. Il y a deux raisons à cela: premièrement, les actions sont évaluées à un prix historiquement bas. Cela signifie que beaucoup d’éléments négatifs sont intégrés dans les cours. Deuxièmement, les groupes pharmaceutiques profitent de l’évolution démographique, qui maintiendra la demande de médicaments à un niveau élevé. Nous avons certes réalisé nos premiers gains après la forte performance du marché des actions suisse, mais nous restons investis. Novartis et Roche font également toujours partie d’un portefeuille diversifié. Si l’on tient compte non seulement de l’évolution du cours, mais aussi des dividendes et des divers spin-offs (Givaudan, Syngenta, Alcon, Sandoz, etc.), les actions des deux groupes bâlois ont nettement battu le marché global sur le long terme. Il devrait en être de même à l’avenir.

Matthias Geissbühler

Matthias Geissbühler

CIO Raiffeisen Suisse

Matthias Geissbühler est le Chief Investment Officer (CIO) de Raiffeisen Suisse depuis janvier 2019. Responsable de la politique de placement, c‘est avec son équipe qu‘il analyse en permanence les événements mondiaux qui ont lieu sur les marchés financiers et développe la stratégie de placement de la Banque.