Edition 24.02.2021 – Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen
Vendredi, le Secrétariat d'Etat à l'Economie (SECO) va publier son estimation trimestrielle de l'évolution du produit intérieur brut suisse au quatrième trimestre 2020. La médiane des estimations des analystes, au nombre de 17 selon Bloomberg, est précisément de 0 %, la fourchette étant cette fois-ci particulièrement large entre -1,5 % et +0,9 %.
Pour mémoire, la deuxième vague de coronavirus a également submergé la Suisse fin octobre et après des semaines d'attente, le Conseil fédéral a fini par renforcer considérablement les mesures de confinement en décembre. Les restaurants ainsi que les établissements de loisirs, de sport et culturel ont été les plus touchés. Ils sont désormais fermés depuis le 22 décembre. La situation économique avait déjà connu une décélération auparavant, comme le montre les données sur la mobilité de Google. A peine le nombre de cas a-t-il augmenté en novembre que la population a recommencé à éviter les transports publics, les magasins et les autres établissements.
Quelle est réellement l'importance de cet effondrement et l'économie a-t-elle peut-être été en mesure de progresser? De nombreux augures attendent la publication du SECO avec impatience. Mais à vrai dire, ce PIB n'est déjà plus d'actualité compte tenu du confinement en janvier, sans compter qu'il ne s'agit en fait que d'une estimation qui sera ultérieurement révisée. Comme d'habitude, les économistes regardent beaucoup trop dans le rétroviseur. Cela s'explique également par la publication extrêmement tardive des chiffres du PIB par le SECO, du moins dans une comparaison internationale. Toutes les économies importantes ont déjà publié les chiffres pour le quatrième trimestre, souvent de nombreuses semaines plus tôt. Parmi les pays du G20, seuls le Canada et la Turquie sont encore plus lents que la Suisse.
Une économie scindée en deux
Le regard dans le rétroviseur est cependant peu concluant, a fortiori lors de la crise du coronavirus et en situation de stop and go économique. On peut donc porter au crédit du SECO qu'il a élaboré en novembre dernier un indicateur pour le produit intérieur brut qui mesure la dynamique économique en temps quasi réel. Le nouvel indicateur se fonde sur neuf indicateurs conjoncturels rapidement disponibles, p. ex. la consommation d'électricité ou la concentration d'azote dans l'air et est publié chaque semaine. Selon ces données, l'économie suisse a traversé le deuxième confinement relativement sans encombre et ne se situe actuellement «que» 2 % environ au-dessous du niveau de l'année précédente. Il semblerait donc que nous pourrions voir un zéro, voire une croissance minimale vendredi prochain. Mais dans quelle mesure le nouvel indicateur du SECO reflète-t-il la situation véritable de l'économie dès lors que quatre des neuf sous-indicateurs, p. ex. les exportations de marchandises, relèvent plutôt de l'industrie, alors que celle-ci ne représente que 20 % de la création de valeur suisse? A la différence de phases antérieures de la crise, l'industrie résiste plutôt bien, tandis que le secteur tertiaire est durement touché.
La moyenne n'est pas toujours la mesure de toute chose
Les indices des directeurs d'achat, autrement dit les enquêtes auprès des entreprises à qui l'on a demandé si leur situation était meilleure, moins bonne ou identique, montrent par exemple que l'économie est scindée en deux. Les indicateurs de ce type présentent une structure simple et sont rapidement disponibles, raison pour laquelle ils font office de référence absolue dans l'observation conjoncturelle. Ils montrent actuellement que l'estimation des entreprises industrielles s'est améliorée ces derniers mois, alors que le moral dans le secteur tertiaire est plutôt mauvais. Malheureusement, les indices des directeurs d'achats ont également leurs failles et ne reflètent pas nécessairement la «véritable» situation de l'économie. Ainsi, le nombre de réponses positives est comparé aux réponses négatives, sans toutefois capter l'étendue du changement. Une évolution à peine négative d'une entreprise a donc la même importance que celle d'une autre dont le chiffre d'affaires s'est totalement effondré et qui est sur le point de faire faillite. Comme vous le savez peut-être, le groupe Raiffeisen publie depuis trois ans le premier indice des directeurs d'achat suisse exclusivement fondé sur les PME et celui-ci montre assez clairement que les PME industrielles résistent moins bien à la crise que les grandes entreprises. Il faut reconnaître que l'objection est ici la même que pour les autres indices des directeurs d'achat. Nous ne savons tout simplement pas à quel point les PME vont plus mal. Une interprétation indiscutable n'étant pas toujours possible, de telles enquêtes auprès des entreprises sont également qualifiées d'indicateurs conjoncturels «doux». Ceux qui reposent sur des données économiques mesurables sont, quant à eux, qualifiés d'indicateurs «durs». La croissance du PIB peut également être qualifiée d'indicateur «dur». Mais là encore, la moyenne n'est pas toujours la mesure de toute chose. Même si la croissance du PIB a été positive en fin d'année, cela n'aide pas les nombreuses entreprises qui luttent précisément pour leur survie. Quoi qu'il en soit de la croissance du PIB au quatrième trimestre, le début de la nouvelle année fut difficile pour de nombreux acteurs économiques. C'est pourquoi, je suis de moins en moins convaincu par la moyenne.